Quelques textes historiques relatifs au piment:

Le Grand Dictionnaire de Cuisine
d'Alexandre Dumas

Piment

  • Le piment, appelé aussi "corail des jardins", à cause de la couleur rouge de ses fruits à l'état de maturité, possède une multitude de variétés de forme et de volume que distinguent les noms de poivre long, poivre de Guinée, poivre de Cayenne. Le gros et long piment que l'on cultive dans les jardins en Europe se confit ordinairement au sel et au vinaigre, comme les olives et les câpres. Dans les Antilles et autres contrées chaudes, il croît naturellement des piments, beaucoup moins volumineux, mais d'une force extrême; une de ces variétés, connue sous le nom de "piment enragé", et qui a à peu près la forme d'un clou de girofle, n'est pas soutenable sur la langue. Cependant les grives et autres oiseaux en sont très friands et s'en chargent le jabot: on l'appelle aussi pour cette raison piment des oiseaux. Les bois et les forêts en offrent en abondance. Une autre espèce de piment, le piment de la Jamaïque, est le fruit d'une myrtacée connue assez généralement aux Antilles, où elle croit en abondance sous le nom impropre de bois d'Inde. Cet arbre se couvre de nombreuses fleurs remplacées par des baies violettes dans leur maturité, succulentes, sucrées et très parfumées, mais qui échauffent énormément les personnes qui en mangent. Les ramiers, les grives, les merles et d'autres oiseaux qui en sont très avides acquièrent par cette nourriture un fumet très délicat et s'engraissent beaucoup. Ce sont ces baies cueillies avant leur maturité, desséchées au soleil ou à l'étuve et pulvérisées, qui constituent la toute épice des boutiques. C'est l'objet d'une récolte assez lucrative aux Antilles et principalement dans l'île de la Jamaïque. Le nom de toute épice indique que ces baies participent à la fois de la saveur des quatre principales épices du commerce: la cannelle, le poivre, le girofle et la muscade.
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    Histoire naturelle et morale des Indes occidentales
    Ecrit en 1589, pendant et d'après les années de prêche de Joseph d'Acosta
    aux Amériques (de 1571 à 1588).

    Livre Quatrième – Chapitre 20
    De l'aji ou poivre des Indes

  • Dans les Indes Occidentales, on n'a trouvé aucune épicerie qui leur fût propre comme le poivre, le clou de girofle, la cannelle, la noix de muscade ou le gingembre; bien qu'un membre de notre Compagnie, qui voyagea beaucoup en divers endroits, raconte que dans certains désert de l'île de la Jamaïque, il avait trouvé des arbres qui donnaient du poivre; mais l'on n'est point certain que cela en soit et l'on n'en a pas fait commerce. Le gingembre fut apporté de l'Inde à l'île d'Hispañola, et s'est multiplié de telle sorte que l'on ne sait plus qu'en faire, tant il est vrai que la flotte de l'année 1587 en rapporta à Séville 22'053 quintaux.
  • Mais l'épice naturelle dont Dieu pourvut les Indes d'Occident est celle qu'en Castille on appelle poivre d'Inde [Ndlr: le piment, comme on le nomme au XXe siècle], et aux Indes aji par un mot général emprunté à la première terre des îles qui furent conquises. Dans la langue du Cuzco, on l'appelle uchu et dans celle du Mexique chili. Il s'agit d'une chose bien connue; aussi y a-t-il peu à en dire. Il faut seulement savoir que, chez les anciens Indiens, elle était fort appréciée et qu'on l'apportait dans les régions où elle ne pousse pas, comme une marchandise d'importance. Elle ne pousse pas en terre froide, comme dans la sierra du Pérou, mais dans les vallées chaudes et irriguées.
  • L'aji est de diverses couleurs: vert, rouge et jaune; il en est un très fort appelé Caribe, qui pique et mord violemment; un autre doux et presque suave que l'on mange à pleines bouchées. Il en est un menu qui sent dans la bouche comme du musc et qui est fort bon. Ce qui pique dans l'aji, ce sont les veinules et la graines; le reste ne mord point. Il se mange vert et sec, moulu et entier, au pot ou dans des sauces. C'est la principale sauce et toute l'épicerie des Indes; consommé avec modération, il aide à la digestion, mais si l'on en prend trop, il a des effets déplorables; car il est d'une nature très chaude, volatile et pénétrante, et son emploi répété est préjudiciable à la santé du corps des jeunes gens, et plus encore à celle de l'âme, car il incite à la sensualité; et c'est une chose étonnante que, bien que le feu qu'il a en lui soit si notoire, et que tout le monde dise qu'il brûle à l'entrée et à la sortie, malgré cela, il en est beaucoup pour soutenir que l'aji n'est point chaud, sinon frais et bien tempéré. Mais moi, je pourrais dire la même chose du poivre, et l'on ne m'apportera pas davantage de preuves de l'un que de l'autre; aussi est-ce une moquerie de prétendre que l'aji n'est pas chaud, vu qu'il l'est extrêmement. Pour tempérer l'aji, l'on a recours au sel, qui corrige beaucoup, car ils sont très opposés l'un à l'autre, et leurs effets se freinent; on a recours également aux tomates, qui sont fraîches et saines, et sont des sortes de gros grains juteux, qui font des sauces savoureuses, mais sont également bonnes à manger seules. On trouve le poivre de l'Inde universellement répandu dans toutes ces terres, dans les îles, en Nouvelle Espagne, au Pérou, et dans tout ce qui à été découvert. En sorte que, de même que le maïs y est la graine la plus répandue pour faire du pain, l'aji est l'épice la plus commune pour les sauces et les ragoûts.

    Extrait de l'Histoire naturelle et morale des Indes Occidentales
    de Joseph de Acosta
    (Payot-1979)



    Commentaires royaux sur le Pérou des Incas

    Qui traitent de l'origine des Incas, anciens rois du Pérou, de leur idolatrie, de leurs lois et de leur gouvernement en temps de paix et de guerre, de leur vie et de leurs conquêtes, et de tout ce que fut cet empire et cet Etat avant que les Espagnols ne l'aient conquis.

    Ecrit par l'Inca Garcilaso de la Vega, natif du Cuzco et capitaine de Sa Majesté.
    Dédiés à la Princesse Sérénissime Dona Catalina de Portugal, Duchesse de Bragance, etc.

    Lisbonne, 1609 


  • Inca Garcilaso de la Vega, métis de sang royal Inca et Espagnol est né à Cuzco capitale du Pérou en 1539 et y réside jusqu'en 1560. En 1609, première édition de son livre qu'il avait en grande partie rédigé sur place d'après sa propre expérience. Il meurt en Europe en 1617.

    Livre Huitième
    Chapitre XI : Des fruits des arbres les plus remarquables

    [...]
    Un autre fruit, appelé chili [le piment], fut connu au Cuzco en 1557. Il est de fort bon goût; les plantes qui le produisent sont basses et rampent sur le sol; il a la partie supérieure granulée, comme l'arbouse, et la même grosseur; toutefois il n'est pas rond mais un peu allongé en forme de coeur.
    [...]
     

    Chapitre XII : De l'arbre appelé mulli et du piment

    [...]
    Nous pourrions placer au nombre des fruits, et considérer comme plat principal selon le goût des Indiens, le condiment qu'ils mettent dans tout ce qu'ils mangent, en sauce, bouilli ou rôti, et qu'ils appellent
    uchu [le piment], et les Espagnols piments des Indes, ou encore au Pérou axi, mot emprunté au langage des îles de Barlovento. Ceux de mon pays aiment tellement l'uchu qu'il faut qu'ils en usent toujours, quand même ils auraient à manger que des herbes crues. A cause du plaisir qu'il leur procure en ce qu'ils mangent, ils l'interdisaient lors de leurs jeûnes rigoureux, pour que ceux-ci le soient davantage; nous en avons parlé à un autre endroit. Il y a trois ou quatre sortes de piments: l'ordinaire est gros, un peu allongé et sans pointe; on l'appelle rocot uchu, c'est à dire piment gros, pour en marquer la différence. Ils le mangent mûr ou vert, avant qu'il n'ait achevé de prendre sa couleur parfaite qui est rouge. Il y a des piments rouges et d 'autres violets, mais en Espagne je n'ai vu que les rouges. Certains ont à peu près la longueur qui se mesure entre l'index et le pouce écartés, et de la grosseur du petit doigt. Ils étaient plus estimés que les autres, aussi en usait-on dans la maison du roi et chez tous ses parents. La particularité de son nom m'est sortie de la mémoire; les Indiens l'appellent uchu comme l'autre piment, mais je ne sait pas l'adjectif. Il y en a encore un qui est menu, et rond à peu près comme une cerise, avec une queue comme elle: les Indiens l'appellent chinchi uchu; il est incomparablement plus piquant que les autres, et c'est le plus estimé aussi, parce qu'il pousse en faible quantité. Les insectes venimeux ont en horreur du piment et la plante qui le donne. J'ai entendu dire par un Espagnol venu au Mexique qu'il est très bon pour la vue: aussi celui-ci terminerait-il tous ses repas par deux piments grillés. En général, tous les Espagnols qui viennent des Indes en Espagne en mangent d'ordinaire, et l'aiment mieux que les autres épices des Indes orientales. Les Indiens l'estiment à tel point qu'ils le préfèrent à tous les fruits dont nous avons parlé.
    [...]

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