Créole - kréol - kréyol - kreyòl

1. L'origine du mot créole
Le terme de créole possède deux étymologies, l'une portugaise (<crioulo), l'autre, espagnole (<criollo), qui viennent du même mot latin criare, signifiant «nourrir, élever» ou plus précisément «serviteur nourri dans la maison». Un «Créole» désigne d’abord quelqu’un qui a été «élevé sur place», c’est-à-dire «qui est du pays». Le mot a servi tout d’abord à désigner l'enfant blanc né et élevé dans les colonies européennes ou d'outre-mer: Martinique, Guyane française, Réunion, Louisiane, etc. Le mot a longtemps été utilisé en ce sens en Louisiane et l'est encore aujourd'hui: les «Créoles blancs», généralement des membres de riches familles propriétaires de plantations. Ce terme s’oppose à la notion d’«étranger à la culture locale».
Par la suite, le mot
créole a été employé pour désigner la population noire — on parle alors de «Créoles de couleur» — et, par voie de conséquence, la langue de cette population, le créole.

2. La formation des langues créoles
Le créole est un phénomène linguistique d’importance considérable. Un créole se forme au contact des langues pour en former une nouvelle. Tout créole est essentiellement le résultat du mixage de langues différentes. Il existe plusieurs créoles, mais ce sont tous des langues mixtes qui se sont formés aux XVIe et XVIIe siècles à la faveur de la traite des Noirs organisée par les puissances coloniales de l'époque, particulièrement la Grande-Bretagne, la France, le Portugal, l'Espagne, les Pays-Bas et les États-Unis.
L’origine de la formation des créoles est relativement simple. N’étant pas en mesure d’apprendre la langue des maîtres blancs (négriers ou planteurs), les esclaves noirs s’approprièrent néanmoins les mots de ceux-ci tout en recourant à la grammaire (africaine) qu’ils connaissaient. Du contact entre les maîtres dominants et les ethnies africaines dominées sont ainsi nées de nouvelles langues: les
créoles.
Nous trouvons surtout des créoles à base française, anglaise, portugaise, espagnole et néerlandaise. Cependant, dans un recensement effectué en 1977, Ian Hancock, docteur en linguistique à l'Université du Texas, dénombrerait 127 créoles différents dans le monde, dont les suivants:

  • 15 à base de français
  • 14 à base de portugais
  • 7 à base d'espagnol
  • 5 à base de néerlandais
  • 3 à base d'italien 6 à base d'allemand
  • 1 à base de slave
  • 6 à base amérindienne
  • 21 à base africaine
  • 10 à base non indo-européenne (asiatique)

Il existe aussi quelques créoles à plusieurs bases linguistiques. Le cas le plus connu est celui du papiamento en usage dans les Antilles néerlandaises, surtout dans les îles d’Aruba, de Bonaire et de Curaço (ABC pour les connaisseurs), au nord du Venezuela. En effet, ce créole parlé par au moins 200'000 locuteurs a comme base première le portugais, puis le néerlandais, l’espagnol, ainsi qu’un peu d’anglais et de français.
Contrairement à ce que pensent certaines personnes, du point de vue linguistique, les créoles sont des langues à part entière, dont la structure grammaticale est proche de celle des langues africaines et dont le lexique est en très grande majorité d'origine européenne. Cependant, le statut des langues créoles dans le monde est généralement infériorisé au plan social, culturel et politique.

3. Distribution géographique
Ces créoles se retrouvent dans de nombreuses parties du monde, à l'exception de l'Europe. La population créolophone la plus importante se trouve aux Antilles et dans les Guyanes: Anguilla, Antigua, les Antilles néerlandaises, les Bahamas, la Barbade, le Belize, la Grenade, la Jamaïque, Haïti, la Guadeloupe, la Martinique, la Dominique, Sainte-Lucie, Saint-Kitts-et-Nevis, Saint-Vincent-et-Grenadines, la Trinité-et-Tobago, le Surinam et la Guyane française. Il ne faudrait pas oublier le créole brésilien (à base de portugais).
Un second groupe de créolophones est situé en Afrique: les îles du Cap-Vert, la Guinée-Bissau, le Sierra Leone, les îles Saõ Tomé et Principe, la République centrafricaine, puis dans l’océan Indien, les Comores, les Seychelles, l’île Maurice et l’île de La Réunion.
Le troisième groupe est localisé en Asie du Sud-Est et en Océanie: les Philippines, Singapour, la Papouasie-Nouvelle-Guinée, le Vanuatu et la Nouvelle-Calédonie. Dans un grand nombre de cas, les créolophones correspondent à de petites communautés de quelques milliers de personnes chacune, parfois de quelques centaines. Les pays où l’on compte le plus de locuteurs sont Haïti (sept millions) et l’île Maurice (un million).

4. Les créoles français
Dans les anciennes colonies françaises (Martinique, Guadeloupe, Haïti, Sainte-Lucie, la Dominique, la Guyane française, La Réunion, les Seychelles, l'île Maurice, etc.), la base lexicale du créole s’est élaborée à partir du français. Aujourd’hui, on distingue le créole martiniquais, le créole guadeloupéen, le créole haïtien (anciennement Saint-Domingue), le créole dominicain, le créole saint-lucien, le créole réunionnais, le créole guyanais, le créole seychellois, le créole mauricien, etc.
La population créolophone à base française est estimée à environ 8,5 millions de locuteurs, dont sept millions en Haïti, environ un million à l'île Maurice, 600'000 à la Réunion, 380'000 à la Martinique, 425'000 à la Guadeloupe, 70'000 aux Seychelles, etc.
L’intercompréhension entre les créoles français est relativement aisée. Par exemple, un créolophone de la Martinique (Caraïbes) et un autre de La Réunion (océan Indien) peuvent se parler en utilisant chacun son créole sans trop de problèmes de communication; il reste que l’accent, l’intonation, un nombre plus ou moins important de termes inconnus, de même que certains éléments grammaticaux et des tournures syntaxiques, peuvent néanmoins entraver la compréhension, surtout lorsque les créolophones sont moins instruits. En raison de la proximité géographique, le créole martiniquais et le créole guadeloupéen présentent de nombreuses similitudes. Évidemment, un créolophone à base de français voit sa marge de compréhension rétrécir considérablement s’il parle à un créolophone à base d’anglais; la compréhension risque de se limiter à des messages très simples.

5. Les créoles anglais
Les créoles anglais sont relativement nombreux, mais restent limités principalement aux Caraïbes et dans les Guyanes (incluant le Surinam). En effet, on trouve des créoles à base d’anglais dans les anciennes colonies britanniques telles que Anguilla, Antigua, les Bahamas, le Bélize, la Grenade, la Jamaïque, Saint-Kitt-et-Nevis, Saint-Vincent, la Trinité-et-Tobago, les îles Vierges britanniques, les îles Vierges américaines, sans oublier le Guyana et le Surinam.
Les créoles anglais comptent moins de locuteurs, soit environ trois millions, parce que ces langues sont parlées dans des micro-États (Anguilla, Antigua, îles Vierges, etc.) peu peuplés. Les créolophones anglais les plus nombreux se retrouvent en Jamaïque (2,5 millions) et au Surinam (400'000); le créole anglo-antillais parlé à Aguilla, la Barbade, Trinité-et-Tobago, Montserrat, Saint-Kitts-et-Nevis, les îles Vierges américaines, les îles Vierges britanniques, etc., comptent au total quelque 350'000 locuteurs. Comme pour les créoles français, les créoles anglais ne bénéficient d’aucun statut officiel.

6. Le statut officiel des créoles
Parmi les rares États où l'on a reconnu officiellement un créole dans un texte constitutionnel, mentionnons Haïti avec le français au même titre que le créole; l'archipel des Seychelles avec l'anglais, le français et le créole comme langues co-officielles; le Vanuatu en Mélanésie (145'000 habitants), qui a reconnu son créole mélanésien, le bichlamar, comme sa «langue officielle parlée», avec l’anglais et le français. Toutefois, il ne faut pas se faire trop d'illusion, car la reconnaissance officielle du créole par un État ne supprime pas nécessairement les préjugés dévalorisants.
Par ailleurs, le gouvernement des Antilles néerlandaises et celui d’Aruba projettent de présenter une loi qui ferait du papiamento et de l’anglais des langues officielles au même titre que le néerlandais. Le projet de loi n’a pas pas encore été adopté, mais les Antilles néerlandaises bénéficieraient ainsi de trois langues officielles. À l’instar du
Vanuatu, le papiamento des Antilles néerlandaises deviendrait probablement la «langue officielle parlée». Peu de créoles sont écrits, même lorsqu’ils bénéficient d’un statut de co-officialité comme en Haïti; quoi qu’il en soit, les créoles écrits sont submergés par la langue coloniale. Néanmoins, beaucoup d'associations de défense du créole prennent la relève des anciens conteurs oraux, afin de le retranscrire par écrit et lui donner un caractère d'identité propre. Dans certains créoles, il existe des grammaires, des dictionnaires et même une littérature.

Retour en haut de page:

En cliquant ici, je certifie que je veux continuer à me ravager le cerveau en restant sur ce site merveilleux!