Irina Litvinenko: créativité et détermination | ||
La plus récente uvre orchestrale dIrina Litvi-nenko a été créée à Berne en mai dernier. Par cette pièce, intitulée Avril, son auteur venait de gagner le concours de composition pour lOrchestre des jeunes de Köniz. Le 16 décembre, luvre sera redonnée, cette fois à Genève. Lorsque, il y a une année environ, la jeune compositrice russe, résidant à Genève, eu connaissance du concours de Köniz, sa décision fut prise immédiatement: elle allait participer. La perspective que luvre primée serait immédiatement interprétée était à ses yeux dun intérêt particulier. Et puis, elle avait déjà en elle un thème qui lui semblait convenir à merveille pour un orchestre de jeunes: le paysage printanier des bords de la Kolyma, ce fleuve de son enfance. Ainsi écrivit-elle Avril, une fantaisie pour orchestre, en forme de sonate avec coda. Pour cette composition, le temps était compté: trois mois pour une musique orchestrale dune quinzaine de minutes. «Cétait vraiment dur», se souvient-elle, «mais jétais pleine de force.» Cette détermination est, chez Irina Litvinenko, un trait de caractère. Alors même quelle est issue dune famille dans laquelle personne, avant elle, navait fait de musique, elle a toujours su quelle serait compositrice. Et aujourdhui, elle nest pas du tout étonnée de lêtre. A lâge de 7 ans, ce nest que grâce à un subterfuge de sa part quelle obtient des leçons de piano et de connaissance de la musique. Depuis lors, elle ne cesse de poursuivre sa formation musicale. Cest à 17 ans quelle met par écrit ses premières compositions et, peu à peu, elle crée un répertoire déjà imposant. Ses pièces sont dune grande diversité. Ecrites pour des formations toujours différentes soliste, duo, trio, quatuor, quintette, octet, orchestre, chur avec ou sans accompagnement instrumental elles font jouer une surprenante variété dinstruments. En ne considérant que la musique de chambre, on ne compte en effet pas moins de vingt instruments qui ont loccasion de se faire entendre. En plus des cordes, vents et claviers habituels de la musique classique, figurent encore dans la liste la flûte à bec, le heckelphone ou des instruments folkloriques russes, tels la domra et la balalaïka. Sa dernière uvre, la fantaisie pour orchestre, a été primée cette année. Cest son opus 29. Voici ce quelle en dit: «Le soleil, le vent, le froid du début du printemps là-bas, à fin avril les montagnes noircies de neige fondue, la débâcle, les ruisseaux jaillissant de partout: ce sont toutes ces senteurs et ces sensations de la force joyeuse de la nature qui sexpriment dans ma pièce». Mais elle insiste aussi pour dire quil ne sagit pas dune tentative dimiter la nature. «Cest un sentiment humain, le sentiment de lâme.» Cette musique, aux sonorités contemporaines, chante, se développe, samplifie avec force, puis, toujours en chantant, sefface progressivement. «Cest tonal, enfin, pas tout à fait», commente encore la compositrice. Il faut encore évoquer la diversité stylistique dans la création dIrina Litvinenko. Car, parmi ses pièce, dautres ont un caractère tout différent. Il suffit pour sen convaincre de considérer une autre uvre pour orchestre, lopus 27 nommé Studius ludus Le papillon. Ici, mélodie et rythme se sont pratiquement effacés. ils ont cédé la place à un jeu de sons plein de force, des notes souvent longues, des crescendo très progressifs qui se superposent puis reprennent tout ailleurs. Ce nest pas tout. A lheure actuelle la compositrice sest lancée dans une création non instrumentale: une production électroacoustique. Dans sa Russie natale, la musique est encore plus rattachée à la tradition quici, laccès à divers genres modernes y est moins répandu. Mais Irina Litvinenko na peur de rien. Elle découvre et progresse. Et cest toujours une recherche. «Je veux trouver mon style dans la musique», confie-t-elle. «On dit que cest facile décrire une mélodie toute simple. Peut-être, mais se trouver soi-même dans cette simplicité, cest bien plus difficile.» | ||
Geneviève Billeter |