Les attentats ont remis la Russie sur le devant de la scène politique internationale
On l’a dit et répété: rien ne sera jamais plus comme avant depuis les attentats meurtriers commis aux Etats-Unis: il y a maintenant un «avant» et un «après» le 11 septembre. C’est particulièrement vrai pour la Russie, qui se trouve aujourd’hui remise en selle. Analyse.
Depuis la chute de l’empire soviétique, il y a maintenant 10 ans, on peut dire qu’aux yeux de l’Occident la Russie n’est plus que l’ombre d’elle-même: un pouvoir corrompu, une désorganisation totale, une population contrainte à lutter pour survivre et, cerise sur le gâteau, le bourbier tchétchène dans lequel l’armée et la politique se sont enlisés. A ce jour, et même si Vladimir Poutine prétend avoir atteint ses objectifs en Tchétchénie, notamment en ayant détruit les principales bases terroristes et la résistance organisée, la Russie est toujours en guerre contre les terroristes islamistes. Comme Bush aujourd’hui! Et c’est bien ça qui a changé sur l’échiquier du monde depuis le 11 septembre.
Car les attentats du World Trade Center et du Pentagone ont remis les pendules à l’heure sur deux points essentiels qui concernent directement la Russie: tout d’abord la stratégie de défense américaine, visant à développer les boucliers antimissiles, a montré son inutilité face à des terroristes intelligents et déterminés. Deuxièmement, la politique de Poutine en Tchétchénie, considérée comme une inexcusable atteinte aux droits de l’homme par l’opinion publique occidentale, apparaît soudain non seulement comme légitime, mais même indispensable pour enrayer cette insupportable montée en puissance du terrorisme islamiste.
Les Etats-Unis et la Russie sont donc naturellement amenés à collaborer, car l’enjeu et l’ennemi sont les mêmes: il est aujourd’hui certain que les rebelles tchétchènes survivent grâce au soutien, notamment financier, du richissime Oussama Ben Laden, ennemi personnel de Bush et des Américains.
Dès lors, les Etats-Unis ne peuvent plus rester seuls aux commandes du monde, il leur est stratégiquement indispensable de partager le pouvoir. Car Poutine l’a dit au lendemain des attentats de Manhattan: «Nous sommes maintenant entrés dans la 3e guerre mondiale»; et dans cette guerre-là, l’Amérique paraît bien seule face à la haine de la quasi-totalité des pays musulmans et du potentiel terroriste qui s’y dissimule.
Or, à cet égard, la Russie, incontestablement marginalisée depuis la création de l’Union européenne, représente un partenaire «policier» indispensable de par sa position géographique et son expérience de la mouvance islamiste. Déjà, les Américains utilisent l’Ouzbékistan comme base militaire pour leurs frappes en Afghanistan, ce qui leur permet d’éviter d’activer leurs bases du Golfe ou du Pakistan, où la population leur est en majorité hostile. Et puis, on l’a vu tout récemment, Poutine amène dans sa besace son partenaire privilégié qu’est la Chine: en visite chez Yang Zemin, Bush et Poutine, tout sourire et vêtus de jolies tuniques bleues, sont apparus comme deux gentils frérots venus saluer leur grand-papa! Reste à savoir si ces nouvelles alliances permettront aux Américains de bénéficier de l’expérience des Russes en matière de guerre en territoire afghan...
L’après 11 septembre aura donc permis à la Russie d’opérer un véritable «come back» sur le devant de la scène politique internationale. Le Nouvel Observateur parle même d’un nouveau partage des pouvoirs dans un proche avenir: dans un premier cercle les Etats-Unis, la Russie et la Grande-Bretagne, puis dans un second la Chine, la France et diverses nations européennes, puis enfin des pays de moindre envergure.
Si ces nouvelles perspectives redorent le blason de la Russie, certains y voient pourtant le danger que les Etats-Unis mettent un pied en Asie centrale, chasse gardée de Moscou depuis des siècles. Dans le même ordre d’idée, la Russie pourrait bien adhérer à l’OTAN, qui apparaîtrait, dès lors, comme le seul véritable pouvoir militaire de la planète.
Mais cependant rien n’est moins sûr. D’abord parce que, comme on l’a vu, les Etats-Unis ne doivent pas se contenter de modifier en surface la donne du pouvoir, mais véritablement jouer la carte des partenariats entre grandes puissances. C’est bien connu, trop de pouvoir tue le pouvoir et un monopole sans concurrence est mort d’avance. Et puis il ne faudrait pas non plus sous-estimer Vladimir Poutine, qui a déjà démontré à maintes reprises ses velléités d’indépendance face au monde occidental. Pour preuve, le traité d’amitié signé avec la Chine le 16 juillet dernier, dans l’indifférence générale du reste du monde. Pourtant, le traité contient également des clauses militaires...