Le Nagant au cœur de l’histoire russe
C’est avec ce revolver d’exception devenu mythique que le tsar Nicolas II et sa famille ont été assassinés. Survol historique.
Pour les collectionneurs, les historiens et les amateurs qui s’intéressent à la question, le Nagant est incontestablement lié à la Russie, quand bien même il tire son origine de Belgique.
C’est en effet en 1859 que deux frères industriels fondèrent à Liège la «Fabrique d’armes Emile et Léon Nagant». Travail-leurs de qualité et inventeurs de génie, les Nagant commencent par séduire Samuel et Eliphalet Remington, qui n’hésitèrent pas à leur soumettre des commandes et à leur octroyer certains contrats de fabrication sous license. Après quelques créations communes avec Remington et les premières armes commercialisées sous le nom de Nagant, c’est en 1874 que furent produits les premiers revolvers (mod. 1877), construits initialement pour la police fédérale hollandaise.
Le tsar passe commande
D’autres modèles suivirent et c’est en 1888 que le tsar Alexandre III contacta Léon Nagant afin de remplacer le fusil à un coup «Berdan» qui équipait ses troupes. Priés de collaborer avec le colonel Sergueï Ivanovitch Mosin, les Nagant mirent au point un fusil de calibre 7,62 mm. baptisé «Mosin Nagant M1891», qui fut approuvé par le tsar lui-même en 1891 et qui deviendra légendaire au sein de l’armée russe.
Devenus célèbres en Russie, les Nagants, dès lors, travaillèrent presque essentiellement pour l’Empire, au point de mettre en place leur principale unité de production d’armes à Tula, dès 1900. Mais c’est en 1895 qu’ils entrèrent définitivement dans l’histoire de l’armée russe lorsque, sur demande du tsar une fois encore, ils réalisèrent le revolver M1895, qui fut adopté officiellement comme arme de poing des troupes russes.
Ce revolver mythique – à sept coups et de calibre 7,62 mm – est également entré dans l’histoire de l’armement car son principe mécanique était et est resté unique en son genre. Sans entrer dans les détails techniques, on précisera toutefois que son système permet de supprimer la déperdition de gaz, dans l’espace qui sépare le canon du barillet, inérante à l’explosion de la poudre et qui occasionne une perte de puissance inévitable. Le principe adopté est qu’à l’armement du chien, le barillet s’avance en même temps qu’il tourne et fait entrer la cartouche de quelques millimètres dans le canon. La balle est ainsi logée à l’intérieur même de la douille, qui est affinée à son extrémité, ce qui donne à cette munition, outre une vélocité extraordinaire, une forme reconnaissable entre toutes.
Jugé efficace et intéressant par les armuriers d’aujourd’hui, ce procédé révolutionnaire n’a pourtant jamais été copié ou reproduit. D’abord parce qu’il est complexe – et donc plus cher à produire – et ensuite parce que, pour pallier la perte de puissance d’une arme classique, les fabricants ont tout simplement... augmenté la puissance des cartouches. C’est simplissime, mais ça marche aussi, la beauté du jeu et la finesse en moins!
Omniprésent dans l’armée russe impériale, le Nagant M1895 fut également adopté par l’Armée Rouge, qui le remplaça en 1930 par le pistolet semi-automatique Tokarev modèle 33. Pourtant, en partie par habitude et nostalgie ainsi que parce que le T33 était jugé moins performant, les troupes soviétiques continuèrent d’utiliser le Nagant jusqu’en 1945, date à laquelle la production fut stoppée définitivement.
Pièce de collection
Aujourd’hui, le Nagant est une arme de collection intéressante, car d’un excellent rapport qualité/prix. Sa cote n’étant pas (encore) devenue hors d’atteinte, il fait en effet figure de très jolie pièce, légendaire qui plus est, que l’on peut s’offrir assez facilement pour un prix souvent modique. A noter que les Finlandais en ont acheté en grande quantité pour équiper leur armée durant la Seconde Guerre mondiale, mais que nombre de soldats ont préféré ne pas les utiliser afin de les conserver comme souvenirs. Il s’en trouve donc aujourd’hui de nombreux à vendre en parfait état.
L’amateur éclairé relèvera que les Nagants d’origine portent l’aigle impérial estampillé sur le côté droit, ainsi que les marques de fabrication de Tula en cyrillique du côté gauche, tandis que ceux produits après la Révolution sont évidemment ornés de l’étoile bolchevique. Quant aux revolvers ayant passé du service de l’Empire à celui de l’URSS, ils portent encore les stigmates de la Révolution: les inscriptions attestant de leur origine impériale ont généralement été effacées à grands coups de burin! Des pièces endommagées, certes, mais qui resteront à jamais les témoins de l’Histoire.