Un peu retirée du monde, en pleine campagne vaudoise à l’entrée du petit village de Dompierre, se dresse une bâtisse qui ne se distingue pas des autres au premier regard. Le monastère de la Très Sainte et Divine Trinité y a été fondé voilà six ans par feu Mgr Séraphim, archevêque de Zurich.
Dompierre est une œuvre modeste si on la mesure au nombre de ses locataires: Père Martin, sa sœur, Mère Ottilia, et Père Silouane. C'est une œuvre magnifique si l’on sait qu'elle est le seul monastère orthodoxe de Suisse, un lieu accueillant tous les orthodoxes de Suisse de toutes juridictions.
Samedi 6 octobre, le monastère sera en fête. Après des années à chercher un lieu adéquat, à régler des problèmes administratifs, à rénover un bâtiment de fond en comble, à acquérir des icônes, dont une splendide iconostase réalisée selon les règles iconographiques par Elena Chakhmatova, à obtenir tous les ornements nécessaires, le cœur du monastère, son église, sera enfin consacré.
«La dédicace d’une église, c'est une donation à Dieu, absolue et sans retour. C’est imprimer le lieu du sceau du Saint-Esprit», explique l’archimandrite Martin, le supérieur de la communauté.
L’office, célébré par Mgr Innocent, évêque diocésain du patriarcat de Moscou, consiste à consacrer l’autel et les murs avec le myron (saint chrême) et y sceller les reliques. Il ne s’agit donc pas d’une simple bénédiction comme celle d’un logement!
L’événement exceptionnel devrait réunir des orthodoxes russes bien sûr, mais aussi des Serbes, des Roumains, des Grecs et des Suisses ou Français convertis. Pourtant, la communauté monastique désire un office simple et modeste, à l’image de ce qu’elle vit. On a donc renoncé à convoquer un chœur particulier. Comme lors des offices quotidiens célébrés, depuis 1995 déjà, dans l’église de la Trinité, Père Silouane et Mère Ottilia devraient à eux seuls tenir le chœur.
L’humilité et la modestie sont des vœux des habitants du monastère: «Nous avons essayé d’être discrets, car c'est dans la discrétion qu’on trouve le silence. Je remarque pourtant que, même en l’absence de publicité de notre part, le bouche à oreille fonctionne bien», note souriant le Père Martin.
Il faut dire que le Père Martin porte deux casquettes, celle de prêtre de la petite paroisse de Payerne et celle de moine. Partagé entre les liturgies dominicales à Payerne, les baptêmes, les bénédictions de maison, les mariages, les contacts avec les paroissiens et le monde de prières et d’ascèse auquel il a consacré sa vie d'homme, l’archimandrite a à cœur de mener de front les deux missions.
Dans la petite église russe de Payerne, les offices sont célébrés autant en français qu’en slavon : «Il faut éviter d’être exclusif pour ne pas créer deux clientèles.» Un souci d’équité et d’harmonie entre ceux qui ne comprennent pas le slavon et les Russes qui y sont familiers. Quant au monastère consacré à la prière, c'est aussi un lieu d’accueil. «Nous acceptons les pèlerins ou les retraitants, mais seulement ceux qui ont une véritable démarche de foi.» A trois seulement pour assumer toutes les tâches de Dompierre, les moines ne peuvent en effet pas ouvrir leur porte à tout le monde. «Tous n’ont pas cette démarche, mais nous tentons de prêter attention à ceux qui sont bousculés par la vie et ont besoin d’un peu d’écoute et de réconfort.»
Dompierre tient donc déjà un rôle important: celui de permettre les retrouvailles entre les Russes de l’ancienne immigration et les derniers arrivés, de rassembler une diaspora dispersée, celui aussi de permettre à des orthodoxes de juridictions différentes de se rencontrer.

Catherine Miskiewicz