Les Russes aiment la Suisse, lexplosion du tourisme en témoigne | ||
Si les visiteurs russes ne représentent encore que le 1% des touristes en Suisse, la progression du nombre de leurs nuitées est la plus forte enregistrée cette année, toutes nations confondues. Analyse. | ||
Les businessmen et les diplomates russes ne sont plus les seuls à sintéresser à la Suisse. Si le fait nest certes pas nouveau, il a pris suffisamment dampleur pour que lon parle de la plus forte progression du nombre de touristes depuis lannée dernière, tous pays confondus. En effet, si lon en croit les chiffres de lOffice fédéral des statistiques avancés par lorgane officiel Suisse Tourisme, le nombre de visiteurs venus de Russie est en pleine explosion; il suffit dailleurs pour sen convaincre de tendre loreille sur les quais de la Riviera vaudoise ou dans les Rues Basses de Genève, où la langue de Tolstoï est devenue incontournable. Côté chiffres, le nombre de nuitées des touristes russes pour la période de janvier à juin 2001 a été de 110957, soit 18352 de plus que lan dernier à la même période, ce qui représente une augmentation de 19,8%. Pour la saison hivernale, de décembre 2000 à février 2001, la progression est encore plus spectaculaire, puisque avec un total de 64797 cest 16258 nuitées de plus que la saison précédente, soit 33,5% daugmentation! Cest tout simplement la progression la plus importante en comparaison des autres pays: la Belgique a augmenté son nombre de nuitées de 18%, la Grande-Bretagne de 16,7%, lEspagne de 10,5% et les Etats-Unis de 9,9% seulement. Reprise économique russe Pour Suisse Tourisme, qui gère notamment limage de la Suisse à létranger, cette progression, notable depuis la saison 1999/2000, sexplique par la reprise économique qui a suivi la grande crise de 1998. Federico Sommaruga, manager des pays émergents et responsable du marché russe, rappelle aussi que depuis 1996 son institution a ouvert un bureau à Moscou et que les actions ponctuelles de son marketing portent enfin ses fruits: «Pour attirer et fidéliser la clientèle russe, confie-t-il, nous travaillons surtout à travers des workshops, des séances de travail auxquelles nous invitons des journalistes, des équipes de télévision et des agences de voyage à venir assister à une journée de présentation. Cela nous permet de mettre en contact nos invités, choisis par Swissair et Suisse Tourisme, avec des professionnels suisses qui ont une offre susceptible dintéresser la clientèle russe.» Ces workshops, dont le dernier en date a eu lieu le 28 août à Crans-Montana, ne sont dailleurs pas quune simple affaire de marketing théorique, puisque la journée de présentation est généralement suivie dun séjour de son choix offert à chaque invité, afin quil puisse se faire une idée de loffre en conditions réelles. Etalées tout au long de lannée, ces rencontres ont lieu aussi bien en Suisse quen Russie, et sont loccasion de faire connaître la Suisse et son offre touristique tant aux professionnels du voyage quaux médias, censés répercuter linformation. Notons que Suisse Tourisme est aussi présente en Russie à des foires spécialisées. Niveau budget, si Suisse Tourisme dispose dune somme rondelette de 30 millions de francs par année pour sa promotion, elle nalloue que 600000 francs pour attirer la clientèle russe et celle de la CEI. Si la méthode des workshops semble plutôt bonne au vu des résultats, ne serait-il pas temps de passer la vitesse supérieure, surtout si lon compare ce budget aux 3 millions de dollars que lEgypte ou la Turquie investissent chaque année pour attirer le touriste russe? «Il est vrai que notre budget russe est assez léger, admet Federico Sommaruga, mais pour linstant nous navons pas lintention de le développer. Il faut dire que les agences de voyage et les tour-operators russes sont devenus beaucoup plus professionnels et disciplinés que par le passé, ce qui favorise grandement les contacts. Notre souhait actuel est donc daméliorer lefficacité de ces relations plutôt que de dépenser plus. Par ailleurs, comparer notre offre à celle de pays comme la Turquie est impossible, car nos cibles sont différentes: sil est vrai que notre budget ne nous permet pas, par exemple, de lancer des campagnes de presse ou de télévision en Russie, nous privilégions avant tout un tourisme de qualité plutôt quun tourisme de masse.» | ||
Un tissu touristique russe commence à prendre forme | ||
On la vu, les chiffres indiquent clairement une explosion du tourisme russe en Suisse, mais ils traduisent aussi un intérêt plus profond du visiteur russe pour lHelvétie. En effet, Suisse Tourisme note une nette augmentation des voyages détudes de médias provenant de Russie, un intérêt accru pour le segment appelé «wellness» (tout ce qui touche aux cures de santé et de bien-être) ainsi quun engouement pour les vacances dites «actives», qui incluent des excursions et des activités variées. Avec ce type de séjours, on est loin de lintérêt de surface manifesté jusquà maintenant par un tourisme russe balbutiant, qui avait de la peine à sortir des grands axes et de leurs clichés. Cest en tout cas lavis de Federico Sommaruga, responsable du marché russe pour Suisse Tourisme, qui note encore dans ce sens laugmentation de la demande pour les stations dites «mixtes», cest-à-dire qui ont une offre multiple, allant des pistes de ski aux restaurants, en passant par les commerces, les bars et les établissements de la vie nocturne, particulièrement prisés par les Russes, semble-t-il. Une forme de vacances qui démontre que le touriste russe veut aujourdhui dépasser les clichés de surface et profiter au maximum de son séjour. Ce constat est confirmé par Andreï Andrianov, directeur de Soleans Genève, une agence de voyage concentrée essentiellement sur la venue de Russes en Suisse: «Jusquici on notait surtout une demande basique pour les grands centres du pays. Cest dailleurs normal, affirme-t-il: la première fois que vous allez en France cest généralement à Paris. Puis, petit à petit, vous allez découvrir la Provence, puis la Bretagne et enfin larrière-pays. Maintenant chez nous on note une demande pour des voyages plus personnalisés: des circuits de trekking ou des parcours hors des sentiers battus. Suite à lintroduction de notre Swiss Pass, forfait de transport initialement prévu pour les jeunes, une nouvelle sorte de clientèle est apparue: des retraités, des gens qui ont un peu voyagé, qui nont pas peur de partir à la découverte de la Suisse profonde avec une carte et un guide. Cest totalement nouveau et cela coïncide certainement avec le renouvellement des premiers touristes apparus avec la fin de la crise de 1998.» Cest effectivement une véritable évolution, quand on sait que les Russes sont plutôt demandeurs de formules «clefs en mains», où tout est pensé et décidé à lavance. Cest en tout cas lexpérience de M. Andrianov, dont lagence existe depuis 10 ans à Moscou et 7 ans à Genève: «Mes compatriotes ont généralement horreur de devoir décider quoi que ce soit durant leur séjour. Ils veulent des packages complets, jusquau moindre ticket de bus, et surtout lomniprésence dun guide, même pour des choses toutes simples. La raison, hormis un certain besoin pour la clientèle aisée de se sentir entourée, en est certainement lhabitude héritée de lURSS, où tout était planifié et encadré sans la moindre marge de manuvre! Bien sûr cette demande est encore faible, mais avant elle nexistait pas! La grande majorité des Russes fréquentent toujours les lieux mythiques par excellence: la rade de Genève, Zurich, la cathédrale de Lausanne, Ouchy, Gstaad ou Zermatt, généralement dans des établissements 5 étoiles et qui ont un personnel russophone; mais ces nouveaux touristes, qui construisent eux-mêmes leur périple selon leurs goûts, émergent peu à peu et cest réjouissant: cest la preuve que le tourisme russe est devenu plus intelligent.» | ||