Lausanne au rythme de la Russie
Madame Karpouchko réunit les Russes de l’ancienne et la nouvelle génération depuis près de 40 ans maintenant. Au cœur de la Suisse romande, à Lausanne, Russes en visite pour quelques jours, émigrés nostalgiques de leur mère patrie ou Suisses attirés par la Russie et sa culture, se rencontrent régulièrement dans son appartement. Pour boire un thé, écouter une conférence ou un concert, rencontrer une personnalité, partager quelques idées. Sa porte est ouverte à tous, à la seule condition de ne pas prononcer un seul mot de français!
«Il paraît que je sais bien réunir les gens», confie en toute modestie Madame Nadine Karpouchko, âgée aujourd’hui de 80 ans. Non seulement ses talents d’organisatrice sont connus de tous les Russes de passage ou installés en Suisse, mais elle sait composer un public adéquat. Une conférence sur un thème littéraire de haute voltige, un concert de musique classique, elle trouve les bonnes adresses dans son carnet. De la musique populaire, et elle convoque un tout autre public. Bref, Nadine Karpouchko sait faire plaisir aux autres.
Née en Italie en 1921 elle est arrivée en Suisse à l’âge de 2 ans. En 1959, elle va vivre 3 ans avec son mari, un Russe de France, à Paris, ou plutôt dans le Paris russe. «Certains Russes vivaient à Paris, sans même remarquer qu’il y avait des Français autour d’eux», explique-t-elle avec humour. Dans ce monde clos, le cercle de Paris est un havre où les émigrés apaisent pour quelques heures leur mal du pays.
A son retour en Suisse, en 1962, Nadine Karpouchko se lance à son tour, avec une amie de Genève, Natacha Agapieff, et ouvre son salon aux Russes d’ici. Elle y reçoit des grands noms comme Alexandre Zinoviev, Valentin, fils de Léonid Andreïev, Marc Slonime, le professeur Robin Kemball, ou encore Georges Nivat, dans une ambiance toujours familiale.
A la mort de son mari, en 1984, Madame Karpouchko hésite à fermer boutique; mais on la réclame, on a besoin d’elle. Elle continue donc d’animer son salon. Autre tournant dans sa vie: la chute du communisme. Nadine Karpouchko peut enfin réaliser son rêve, LE rêve: elle fait un voyage en Russie... Sur place, elle se rend à l’évidence: passé 70 ans, on ne recommence pas sa vie à zéro. Elle saisit l’opportunité de son séjour pour y nouer des contacts et depuis invite régulièrement chez elle des Russes du pays, notamment des musiciens ou des étudiants stagiaires de l’EPFL. Une petite réunion, un concert face à un public choisi, leur permet de rentrer chez eux avec une petite somme et de se faire connaître à l’étranger. Pour les moins aisés, Madame Karpouchko a même mis en place une sorte de marché aux puces de vêtements dans sa cave. Son vœu est ainsi réalisé: accueillir les Russes, mais aussi offrir un morceau de Russie aux Suisses. Car on ne compte plus le nombre de ses élèves de russe ou anciens élèves qui fréquentent aujourd’hui le cercle.
Catherine Miskiewicz