Naissance de la première église russe à Genève | ||
Dès le milieu du XIXe siècle déjà, des Russes et des représentants dautres nations orthodoxes aimèrent Genève et sy établirent pour de longs séjours. Rapidement ils songèrent à y créer un lieu pour célébrer la liturgie, un véritable centre culturel, qui serait en même temps un endroit clef de la communauté russe, visiblement appelée à sagrandir. Les Ministres de Russie en Suisse, dont Alexandre Ozerov et Nikolaï Giers, avaient dailleurs leurs résidences officielles à Genève. Entre 1848 et novembre 1854 léglise russe de Berne fut complètement fermée en raison des circonstances politiques et son déménagement à Genève était considéré comme impossible à cause de cette tension dans les rapports bilatéraux de lépoque. Le 3/15 mai 1850 pourtant, le père Vassili Polissadov, ancien recteur de la paroisse de Berne, se trouvant à lépoque à Paris, exposa dans une lettre au comte Nikolaï Protassov, procureur général du Synode, les raisons de la nécessité du transfert de léglise de Berne à Genève. Bien que, comme ce même prêtre lécrivit dans une de ses lettres suivantes, «Berne me plût plus que Genève, la nature y fût plus grandiose et plus somptueuse quà Genève et la vie moins chère», il plaida ce transfert de toutes ses forces. Il se référait entre autres au désir de la Grande-duchesse Anna Feodorovna qui, à moment-là, passait plus de temps dans sa résidence genevoise quà Berne. A cette époque, Genève et Lausanne comptaient, selon le père Vassili Polissadov, une trentaine de personnes de religion orthodoxe, des Russes et des Grecs notamment. A ce chiffre il convient dajouter des personnes arrivant pour la période estivale, les voyageurs de passage vers lItalie, de même que les jeunes filles inscrites dans des pensions genevoises. Ce chiffre, bien quencore très modeste, dépassait tout de même celui de Berne où, sauf le personnel de la Légation (qui, osa dire le père Vassili, nétant pas orthodoxe navait pas vraiment besoin de léglise) et les familles des chantres, il ny avait plus de Russes. Dans sa lettre, le père Vassili Polissadov citait plusieurs catégories de personnes qui avaient besoin de la présence permanente dun prêtre orthodoxe. Les premières, comme le vieux général comte Ostermann-Tolstoï, héros des guerres contre Napoléon, «furent élevées dans lOrthodoxie et ont envers elle un amour inébranlable». Les autres, dont par exemple Madame Peressekine à Genève ou Madame Rumine à Lausanne, «vu les circonstances malheureuses de leur vie, aimeraient trouver dans les offices religieux publics [...] une source de consolation spirituelle permanente». Dautres encore auraient voulu se protéger des «séducteurs» venant des autres confessions, en particulier des ca-tholiques romains. Et puis certains aussi, comme ces jeunes gens russes et grecs (12 jeunes Grecs de Corfou se trouvaient depuis 1845 à lInstitution de Champel-Venet à Genève), avaient simplement besoin de recevoir les débuts de linstruction en catéchisme orthodoxe. Bien que la biographie de la Grande-duchesse Anna Feodo-rovna souligne le fait quelle se trouvait à lorigine de la création de la paroisse de Genève, les documents prouvent que son attitude fut plutôt retenue. Sans faire opposition aux démarches du père Vassili Polissadov et de ses successeurs, elle fit transmettre par son secrétaire quelle ne voulait pas les initier. Le 11 février 1851, dans une lettre adressée au baron Krüdener, la Grande-duchesse faisait référence à son «état maladif», qui pourrait la «contraindre à chercher un climat plus doux que celui de Genève, mais surtout létat politique de ce pays». Il est facile de comprendre quelle parlait des récents bouleversements politiques en Suisse et notamment à Genève. Cest donc en novembre 1854, et suite à une décision impériale, que léglise fut tout de même réouverte et transférée de Berne à Genève, dans une maison louée dans le quartier des Eaux-Vives. Le prêtre orthodoxe célébra les offices dans le salon de la villa de Jargonnant, ancienne propriété de la famille Senn, à lemplacement de lactuelle école des Eaux-Vives. A lire aussi, du même auteur: «Les Orthodoxes russes en Suisse romande», Editions Nemo à Genève. | ||
Ivan Grézine |